C’est l’automne. Une période
colorée : stav/סתיו en hébreu de la même racine que l’arabe « shita =
pluie ». Justement, les premières gouttes sont tombées ce Chabbat.

J’allais
écrire un article inspiré sur cette fin d’année 5774, le sens du
pardon, de l’Eglise en Terre de Canaan et d’Israël… C’est nul. Pas
question de rater un scoop.

L’Ecosse reste United Kingdom, la Catalogne
s’interroge tandis que le Pays Basque a déposé les armes et renoncé à
faire session. 

En Ukraine, les choses ne sont pas claires.
L’Agence Juive rapatrie de nombreux Juif de Kharkov, mais aussi de
l’Ukraine occidentale. La république auto-proclamée de Donetsk vient de
lancer sa monnaie et de diffuser les billets de banque. 

Un remake méconnu des années 1917-1919? Mêmes
régions, mêmes enjeux. L’Europe est tentée par des mouvements
d’indépendance: Flamands, Ost-Deutschen, Italiens du Nord… Parier sur la
fragmentation ou l’union ?


Alors, le scoop : les Araméens sont parmi nous !

C’est ça le problème : en Israël, on est tout le temps face à un jeu de « Devine qui vient ou revient dîner ce soir ». Voici une semaine, nous venions de quitter le Chabbat « Ki Tavo » et de lire « mon père est un Araméen vagabond » (Devarim/Deutéronome 26, 6). 

Le gouvernement israélien reconnaissait alors l’existence de « Chrétiens araméens/נוצריים ארמים « , « nationalité »
nouvelle pour un groupe de religion chrétienne. Tout d’abord une
association qui regroupe environ 200 familles dans le nord du pays.
Certains verraient déjà les 120 000 arabophones Chrétiens d’Israël
demander à l’Etat d’être enregistrés comme « Araméens » et non plus
comme « Arabes », en particulier pour servir dans Tsahal (IDF ou Armée
d’Israël).

Les choses sont bibliques : il y a deux types
d’identité : un citoyen est juif ou bien il appartient aux « Nations
non-juives, la Gentilité ». C’est aussi dans l’Evangile « Des deux
(Israël et les Nations), Il n’a fait qu’un seul peuple… » (Ephésiens 2,
14). Il est question d’unité, quelles que soient les interrogations sur
l’histoire.

En fait, le cas n’est pas unique dans
l’histoire entre Israël et des communautés de religion chrétienne. Voici
plus d’une décennie, l’archevêque syrien-orthodoxe de Jérusalem avait
aussi demandé et acquis un statut similaire.

Un accord fut passé entre les
Syrien-Orthodoxes dont la langue liturgique est véritablement l’araméen
(aujourd’hui surtout en arabe, mais en gardant le lien avec la
langue-mère). On souligna alors les liens historiques, culturels,
linguistiques qui unissent les communautés très anciennes de l’Eglise
syrienne-orthodoxe d’Orient d’Antioche et les communautés juives.

La tradition juive prie en araméen depuis la plus haute Antiquité, pendant l’exil à Babylone.
Le judaïsme ne fait pas vraiment de différence
entre l’hébreu et l’araméen. Les 5 formes du Qaddich/קדיש (le
Qaddish/ »Saint » des orphelins et celui après l’étude sont les plus
« courants »), la Michnah et la Guémarah, les Targums (sont en araméen.
Chaque semaine, en principe (seuls les Yéménites restent stricts à ce
niveau), il faut lire – après le texte biblique, la version en araméen
d’Onkelos (un prosélyte… comme saint Luc).

Dans la Vieille Ville de Jérusalem, les étudiants des yeshivot viennent parler fashion
avec le tailleur, mukhtar (responsable gestionnaire) de la communauté
syrienne-orthodoxe du Couvent Saint Marc. Ils échangent surtout en
araméen via l’hébreu ou l’anglais et échangent sur le sens de mots
communs aux deux traditions.

Bref, l’Etat d’Israël avait reconnu que les
fidèles du Patriarcat syrien-orthodoxe de Jérusalem qui sont citoyens
israéliens sont de nationalité israélienne « Achourim/אשורים « , des
« Assyriens ».
C’est erroné sur le plan historique mais
proche de la réalité linguistique et évite toute implication
politicienne avec un autre Etat. En fait, ils sont des fidèles
d’expression araméenne occidentale : « chlomo rabbo/  שלמא רבא = grande paix » disent-ils – comme en yiddish – alors que les Assyriens de Mésopotamie-Irak prononcent « chlama rabba ».

Et pourtant… Ces « Assyriens/אשורים «  sont effectivement définis comme membres de la société israélienne au niveau spirituel.

Ils sont surtout les membres d’un Patriarcat
qui remonte aux premiers temps de l’Eglise. Ce patriarcat est reconnu
par l’Etat d’Israël. Il est le représentant de l’Eglise syriaque qui a
toujours été présente à Jérusalem et Bethléem. Ses fidèles sont (avec
d’autres comme les Maronites catholiques non concernés par ce statut)
les dépositaires de l’expression araméenne dans l’Eglise.

L’araméen est une langue vivante, encore
faut-il qu’elle soit parlée. Tiens, « pita/פיתא » est un mot araméen,
utilisé dans la prières juive dite par les enfants, comme aussi par tout
le monde aujourd’hui. Il a même évolué en « pizza »…

Précisons les choses. Normalement…, un Juif est juif parce qu’il est né d’une mère juive. On naît juif.
C’est un appel in utero. Ce n’est pas
un appel « national » mais « existentiel ». C’est aussi un appel que
Dieu fait, dès avant notre naissance (Psaume 139, 13). Pour faire court,
ce choix qui échappe à toute décision. On peut devenir juif. Personne
ne choisit de naître juif. Il y a des Juifs issus de toutes sortes de
« paysages » culturels, géographiques, linguistiques.

En revanche, personne ne naît chrétien.

Il y a l’Eglise, née à Sion et Jérusalem et
des Eglises nées à partir de celle de Jérusalem aujourd’hui présentes 
dans le monde entier. Depuis plus de 2 000 ans, des héritages
séculaires, historiques, des personnes de foi chrétienne se sont
déployés prenant des formes très variées.

Tous sont chrétiens parce qu’ils sont baptisés.

Ils reçoivent le sacrement chrétien du baptême
– qui est triple au même jour dans certaines Eglises d’Orient
[chrismation ou confirmation donc le Don du Saint–Esprit]. Les
Orthodoxes donnent habituellement la Communion le même jour. Quoiqu’il
en soit, une personne qui n’a pas été baptisée n’est pas chrétienne.

Comme pour tout ce qui concerne l’identité,
les choses ne sont pas si simples ni évidentes. En Israël, la première
question est sur l’appartenance religieuse qui est l’identité de chacun.
Ca peut irriter, en tout, c’est essentiel. Jésus a posé une question à
ses disciples [six jours avant la fête des Tentes/Souccot] : « Et vous qui dites-vous que je suis »
(Matthieu 10, 10). Même interrogation sur l’identité, ce qui
EST. C’était six jours avant les Tentes, donc, au Jour du Grand Pardon.
Le christianisme n’est pas national,
linguistique, racial. Il n’y a pas d’ADN dans la foi chrétienne.
Personne ne se choisit dans l’Eglise.

Pour être chrétien, il faut être appelé et
reconnu comme tel par l’Eglise. Là, les choses peuvent paraÎtre plus
compliquées, parce qu’en Israël, les Chrétiens sont avant tout perçus
selon une identité nationale : grec, arabe, russe, et tant d’autres…
dont les premières Eglises arménienne, copte, éthiopienne des premiers
temps.

L’identité chrétienne s’exprime dans la foi.
Dans des sociétés qui s’opposent entre sécularisation/foi,
hédonisme/altruisme, espoir/désespoir, vérité/mensonge et doute, les
choses ne sont jamais évidentes – dans aucune religion.

Il y a des Chrétiens de toute langue, peuple,
nation, race (Apocalypse 5,9/7,9). Ils sont membres de l’Eglise =
ekklesia (Εκκλησία), ecclesia en latin qui veut dire « être appelé »,
par par soi, mais par Dieu. Ainsi, « Synagogue/Συναγωγή = « être appelé
ensemble » et correspond à l’hébreu « Qahal, qehilah/קהל-קהילה =
communauté ».

Pour le judaïsme, cet appel est très fortement
souligné dans la portion biblique de ce dernier Chabbat 5774 comme
« Haq’hèl/הקהל = Rassemble, appelle en une communauté »
(Devarim/Deutéronome 31, 12).A chaque époque, en tout lieu, rien n’est
fixé, statique, mais en mouvement vers le déploiement.
Cela dépasse chacune de nos générations, bien
au-delà des choix ou des tragédies de l’histoire. Récemment, les Turcs
ont accepté que des Arméniens, devenus musulmans par force en 1915,
retournent à la foi chrétienne.

Pour l’Eglise, les croyants vivent aussi dans
cet appel à l’unité. C’est la raison pour laquelle beaucoup ont lancé et
poursuivent le dialogue inter-religieux.

Dans la foi et l’unité religieuse, chaque groupe n’a de sens que dans la mesure où il confirme et vient en soutien de l’unité.

C’est bien, parce que l’automne, c’est un temps pour la pluie, donc beaucoup de bénédictions pour tous.