Hoshana juive et Hosanna chrétienne !
12 octobre 2014, 16:00 2
C’est l’automne, donc le temps des pluies, des
orages, des éclairs. Il y a un bon sens paysan : on croit reconnaître
les saisons.
Aimez-vous les plantes ? La soucca est
hospitalière, frugale mais plantureuse : le bouquet festif du lulav/לולב
[Lévitique Vayiqra 23, 40] rassemble, reflète l’existence humaine.
L’ânesse de Bilaam est plus inspirée que le
« prophète » payé pour maudire… Elle le remet dans le droit chemin avec
un bon sens inspiré. Le grand poisson dit « la Baleine » abrite un Jonas
plus disposé à aller au Club Med post-babylonien de Tarshish qu’à
courir les rues de Ninive. Autant garder tout cela au présent, parce que
ces récits restent valables pour les contemporains de nous-mêmes.
Comment allez-vous, vieilles branches et
jeunes tiges ? A Souccot, le « Bouquet festif » est « arbaa minim/ארבעה
מינים = quatre espèces ». Il représente tout le genre et la nature
humaine.
La branche de palmier est droite, presque
fermée : elle est une colonne vertébrale, qui diffuse, dans le corps,
l’influx central venant de notre cerveau. Les trois brindilles de myrte
(Hadassim/הדסים) ont des feuilles semblables à l’oeil : celui-ci peut
tant s’adonner à la luxure que servir à regarder la beauté, aimer
l’Eternel et les êtres, le monde vivant.
Les feuilles des deux branches de saule
(aravot/ערבות) rappellent une bouche qui parle. Elle peut encourager ou
exprimer le désespoir.
Le plus beau est le « citron, cédrat » ou
« étrog/אתרוג ». Le mot vient d’une racine qui désigne la pousse des
oranges ou citrons et la « clarification d’un langage énigmatique »
(Erubin 53b).
L’étrog peut hésiter entre le vert et le
jaune. Son parfum est délicat, comme les justes qui possèdent la Loi et
font de bonnes oeuvres. La palme n’a pas d’odeur mais son fruit est
délicieux, comparable à ceux qui sont versés dans l’Ecriture sans
pratiquer les Mitzvot (bonnes actions et Commandements).
La myrte sent bon mais n’a pas de saveur, un
peu comme les « petites gens » qui font de bonnes choses sans connaître
la Tradition. Quant au saule, il n’a ni goût ni odeur… il y a ceux qui
n’étudient pas et ne font pas de bonnes choses.
Une description basique et pourtant ! En
prenant ce bouquet, le Juif tient en main ce qu’il est, et aussi
l’ensemble de l’humanité dans sa diversité. D’autant qu’il faut agiter
les plantes en main dans les directions cardinales du globe terrestre,
puis vers le haut et vers le bas. Bref, un vrai shake-hand
communautaire, spatial qui affirme le règne divin sur tout l’univers.
Est-ce uniquement symbolique ?
Il y a ces sept circuits [hakafot/הקפות) comme
autour de Jéricho, puis du mont des Oliviers et du Temple qui ouvrent
sur une époque nouvelle, tekufa/תקופה.
Ce même mouvement circulaire est saisissant à
La Mecque, autour de la Kaaba comme au mois du Hadj (pèlerinage). En
bulgare, le mot « hadji » désigne le pèlerin chrétien qui a rendu visite
au Saint Sépulcre…
Soyons concrets : cela fera 21 jours que les
Juifs se souhaitent une bonne année 5775, un bon jugement… mais là, en
secouant ces « quatre espèces », il est temps de se poser les bonnes
questions : « Qui, que, quoi, où ? » Car « Min/מין » couvre beaucoup de choses : c’est « qui » en araméen et « hors de, en » en hébreu. C’est aussi l' »activité sexuelle » d’où nous provenons tous et toutes, donnant sens à l’identité de notre « espèce ». Elle existe et interroge à la fois.
En soi, le mot « sexe » n’existe pas en hébreu
et si le terme greco-latin internationalisé est utilisé, il veut
initialement dire « sectaire, sectionné », ce qui est curieux, puisqu’a priori, il invite à la vie.
Alors, rendez-vous le 21 Tichri 5775
(14-15/10/2014 – כא דתשרי תשע’ה) ou jour de Hoshana Rabba (הושנא רבא,
c’est de l’araméen), c’est-à-dire la Grande Supplication, intense,
profonde. C’est du sérieux ! Suppliques de salut, Hoshanot,
commencées avec le nouvel an, mais maintenant les choses vont être
définitives. Finalement, il faut bien recevoir le bon ticket pour une
année productive, donc bien se secouer, crier avec joie et espoir.
Hosanna est de l’araméen qui est devenu
hébreu, puis est passé en latin, grec, slavon et dans toutes les
langues. Solennel et dynamique. « Sauve ! », bon, mais qui faut-il
sauver ? Et puis, Hosanna tinte comme une acclamation joyeuse.
Hoshana, c’est surtout « Hoshiya-na/הושיע נא! = ana, hoshiya na = Toi, donc, Eternel, sauve ». « Sauve maintenant! »
selon le Targoum Onkelos. C’est un cri qui monte des entrailles. Il est
dans les séquences dites pendant les Hoshanot tirées du Psaume 118, 25 :
« que l’Eternel donne, joies, prospérité car Il vient ».
Sauver ? Cela veut dire quoi pour nous ?
Sauver sa peau, ne pas être tué-es? assassiné-es, violenté-es, violé-es,
volé-es, trahi-es ? De même, ne pas agir avec les mêmes pulsions de
destruction envers autrui. C’est cela le quotidien de jours dont le
matin ignorerait l’après-midi ou le soir, entre l’aube et le coucher du
soleil. « Ne touche pas à qui m’est consacré\אל תגיעו בתשיחי » (Psaume
105, 15), oui, qu’est-ce-que cela devient dans la vie courante ?
D’autant que la séquence de la Hoshana Rabba
semble marteler d’autres sons « Ani VaHu hoshiyana/אני והו-א הושיע נא =
Moi et Lui, qu’Il sauve donc maintenant ! » – « Que l’Eternel sauve Sa
propre gloire, ici et maintenant, là, partout ». C’est le règne de
l’Eternel qui est en jeu, c’est Lui qui doit être sauvé. Est-ce
paradoxal ? Mais voyons ! « Où est ton Dieu ? » cela fait des
siècles, des lunes et des lustres que la question revient, lancinante,
vindicative parfois. Aujourd’hui, combien de fois cette interpellation
est lancée chaque heure, chaque jour – donc à l’année !
La tradition affirme qu’il s’agit de deux versets bibliques : « Ani-J‘étais au milieu des exilés » (Ezékiel 1, 1) et « VeHu-Et Il
se trouvait enchaîné au milieu de tous les prisonniers de Jérusalem et
de Juda qui étaient déportés à Babylone » (Jérémie 40, 1). Dans les deux
cas, l’Eternel est toujours présent et confirme l’union indissociable
entre le Roi de l’univers et Son peuple. Il s’agit de la Maison d’Israël
et cela reste, comme revigoré à la génération à laquelle nous
appartenons et participons.
Comment donc voir qu’Il est vivant, magnifié
dans le monde qu’Il a crée et qu’Il exalte l’être vivant par Sa force
créatrice ? C’est ainsi que la tradition rapproche ce « Moi et Lui » de
la parole « Le Dieu de mon père, je L’exalterai = anvehu/אנוחהו » (Exode/Chmot 15, 2).
C’est alors que ces plantes, fruits du règne
végétal, naturel et d’une terre singulière insufflent un élan à ceux qui
font corps pour interpeller le Créateur. Curieux ? Qui est le « pauvre » dans la tefila le’ani/תפילה לעני
– la prière au pauvre – dans le psaume 102, 1, sinon l’Eternel qui
attend la parole humaine et poursuit le dialogue avec Sa création.
Sauver le règne du Maître du temps et de
l’univers ? Ou dire : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur »
(Psaume 118, 25). En Israël, il est normal d’accueillir une personne par
ces mots : « Barukh haba/ברוך הבא = Béni qui vient » et la réponse est
« venimtza/ונמצא = et s’est trouvé ».
Il y a ces jours où la communauté d’Israël est
happée par l’interrogation de la Présence divine et confirme sa
fidélité. Les turbulences de l’histoire, les tragédies restent, au
fond, incompréhensibles. Etre sauvé par le Créateur et « sauver » Son
règne, c’est prolonger le partenariat entre Lui et nous.
Les fêtes d’automne sont des jours de vacances
où les Israéliens partent volontiers en tioulim/טיולים = promenades,
visites, escapades, ballades dans le pays ou voyages à l’étranger.
Les assassinats se multiplient à la frontière.
Resterait-on plutôt entre soi, frileusement. Qui dira qu’Israël vient
en aide aux Chrétiens persécutés, aux nombreuses minorités du
Moyen-Orient ?
C’est là qu’il est difficile d’être conscient
de ce que coûte le salut. Ces jours-ci, Hoshana Rabba est scandée au
Lieu même de la Maison, le mont du Temple.
Dans la Vieille Ville de Jérusalem, depuis
2014 ans, la même interrogation s’exprime comme en écho évident. Quand
les passants apostrophèrent Jésus crucifié : « Hé ! Toi qui détruis le
Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même en
descendant de la croix » (Marc 15, 30). Il y a le mauvais larron qui dit
: « Sauve-toi toi-même et nous aussi ! » (Luc 23, 39).
Justement, et si la Providence divine ne faisait que cela : sauver les vivants entre l’arche de Noé et le signe de Cain ?
Le dimanche qui précède la Pâque ou résurrection de Jésus de Nazareth est appelé « l’Entrée de Jésus à Jérusalem ».
Les fidèles ont des rameaux, souvent tressés
de manière très belle. Nous sommes dans le pays des palmes ; elles sont
amples. Elles affirment le règne de Dieu et sa venue dans la Ville. Et
les « Hosanna au plus haut des cieux » résonnent entre Beth Phagé, le
mont des Oliviers, le Golgotha, le Tombeau Vide et le Lieu de la
résurrection pour les Chrétiens.
L’analogie avec la fête de Souccot reste discutable ou fortuite. Néanmoins, elle est frappante.
Paradoxalement, « aravot/ערבות » se réfère aussi à la gloire divine. Dans la tradition talmudique, aravot
correspond peu ou prou à l’expression chrétienne « au plus haut des
cieux », comme dans le psaume : « … frayez la route à Celui qui
chevauche les plus hautes nuées (b’aravot/בערבות) (Psaume 68, 5).
Ainsi, le mot qui désigne la plante de
l’humilité, du dénuement, qui a besoin de tellement d’eau pour survivre
sert aussi à nommer ce qui est au plus près de la Gloire du Créateur.
Courage, vivons !
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