Monday, October 27, 2014

Pour qui chante le coq ?

Il n’y a plus de saison. Ici, il pleut, là il
vente. Ca fait un bail que le Déluge, le terrible « maboul/מבול » est
passé, surtout après ce chabbat dédié à Noé.

L’Eternel
a même regretté d’avoir voulu détruire Sa création. Il se ravisa:
« Plus jamais, Je ne frapperai tous les vivants comme Je l’ai fait. Tant
que durera la terre, semailles et moisson, froidure et moisson, été et
hiver, jour et nuit ne cesseront plus. » (Bereishit/Gén. 8, 21-22). 

D’autant que ce Chabbat était « mondial et festif » : Le Shabbos Project (yinglish américain) ou Kikar Shabbat en Eretz/כיכר שבת en hébreu. En fait, le Chabbat est universel par définition.

Au fond, « Chabbat\שבת ou Noa’h-Noé/נח, comme
dans « ici repose/po noua’h-פה נוח » (pierres tombales), c’est du pareil
au même. L’être humain fait une pause.

Cette semaine, on a gagné une heure de sommeil en passant de l’heure d’été à celle d’hiver.

Il y a les « autres » de tous bords qui
n’avaient rien changé du tout : les branchés sur le temps solaire, les
écolos qui ne touchent jamais à l’heure de la traite des vaches, ceux
qui ne nous reconnaissent pas tout en confessant le Miséricordieux, pour
d’autres le Bon Pasteur. Ce sont nos cousins et associés.

Est-ce que Noé a connu et pratiqué les
Commandements dits « noachiques », les « Sheva mitzvot b’rit Noa’h/שבע
מצות ברית נח = les 7 Commandements des fils de l’Alliance conclu avec
Noé » ?
Tout est question de morale.

Qu’est-ce à dire ? C’est comme en ce moment,
tout le monde parle de « tradition(s) » parce que beaucoup ont perdu ces
traditions, en créent de nouvelles. Ils essayent désespérement, par
nostalgie, de manière frénétique, sentimentale, violente et souvent
obtue ou libérée de vivre l’histoire qui n’est jamais une génération
spontanée.

Y a-t-il eu un « copier-coller » emprunté à un cousin

éloigné, Gilgamesh ?

Il y a trop de doublons dans le récit biblique
: Noé fait entrer les créatures en couples. Il y a des répétitions, bis
repetita : les humains sont mauvais, le Déluge commence deux fois, tout
ce petit monde entre deux fois dans l’arche… (Bereishit/Gén. 6, 7-9,
18).

Sommes-nous tous du même sang humain… franchement !

Il y a comme une sorte d’instabilité mentale
chez l’être vivant. La Bible hébraïque ou ‘Humash/חומש, les 5 Livres de
la Torah » commence par le récit des commencements [Bereishit/Genèse] de
la Création, d’Adam et Eve et de leur descendance.

C’est la preuve d’une révélation unique du Dieu Un pour tous (Shimon Ben Azzai, Nedarim 9,4/Gén. 5,1).

Certains auraient eu la tentation de faire
débuter la Bible par le récit de l’Exode/Chmot-שמות = ([les] Noms de
ceux qui sont sortis d’Egypte, de la maison d’esclavage). L’universel
s’exprime-t-il d’abord dans la singularité ?

Parlons vrai : croire ou ne pas croire
n’appartient pas aux modes, aux inspirations socio-culturelles. Cela
procède de l’intime conviction et de l’existence d’une conscience
humaine.

Cela reste un défi : selon les canons des
Eglises, il n’y a de « péché » que si l’on est pleinement conscient
d’avoir commis le mal contre soi et les autres.

Cela peut prendre des siècles et forcer les
gens à reconnaître des torts, souvent graves, ne sert à rien tant qu’il
n’y pas de conscience.

De même, le Juif peut réciter trois-quatre
fois par jour la Vidui/וידוי ou « confession des péchés alphabétique »
sans percevoir ce que cela implique pour lui comme pour sa communauté et
la nation humaine.

Les sept commandements noachiques remonteraient aux premiers Commandements et à la survie de Noé, l’homme juste.

Ils banissent l’idolâtrie, le meurtre, le vol,
l’immoralité sexuelle, le blasphème, le fait de manger la chair d’un
animal vivant et obligent à ce que toute personne ait accès à un recours
juridique, donc à un tribunal [Avoda Zarah 9, 6 et Sanhedrin 56a/59a et
les Tosafot].

Ils doivent être observés tant par les Juifs que les non-Juifs (Saadiah Gaon et Maïmonide).

Tout paraît basique : combattre l’injustice,
ne pas attenter à l’identité-même du Créateur, reconnaître qu’Il est Un
et unique, ne pas tuer, ne jamais souiller personne dans son corps, ne
rien prendre de ce qui ne nous appartient pas. Il faut respecter un
animal et ne pas le meurtrir en le laissant vivant.
L’exemple d’Aimé Palliere (1875-1949) reste
singulier et prophétique pour son temps. Après bien des hésitations à se
convertir au judaïsme, il rencontra le Rabbin de Livourne, Elie
Benamozegh, qui l’accepta comme disciple et lui suggéra de devenir ben
Noa’h-בן נח, Noachide.

Le Rabbin Benamozegh proposa à Aimé Palliere
de rester chrétien, ce qui correspond succinctement à ce qu’affirmait
Rachi à propos des Gentils qui, confessant Jésus comme Messie, ne sont
plus des Païens/גויים [al-Bereishit]).

Aimé Pallliere devint ainsi darshan/דרשן –
prédicateur officiel à la synagogue libérale de la Rue Copernic, à
Paris, et mourut catholique.

Le Rebbe Menachem Mendel Schneerson
du CHaBaD/חב’ד (Loubavitch) a réfléchi en profondeur sur la manière
dont Juifs et non-Juifs peuvent se situer face à la réalité du Dieu Un.

En 1980, il lança une campagne en faveur des
Commandements noachiques  et, en 2009, les grands rabbins d’Israël les
ont officiellement reconnus comme donnant un status particulier en
Israël.
La campagne se poursuit et il n’est pas rare, à Jérusalem, que des non-Juifs soient conviés à des réunions pour « noachides ».

On peut parler, à propos d’un point
fondamental et originel du judaïsme, du redéploiement de l’annonce de la
rédemption faite à partir de la Communauté d’Israël.

Ceci s’inscrit dans la résurgence d’Israël
comme entité qui, en dépit de tout, « rassemble les exilés » et invite
les Nations contemporaines (Zacharie 8, 23).

Le Patriarcat orthodoxe de Jérusalem a fêté,
en 2002, le 1950ème anniversaire de la décision du premier Synode de
Jérusalem. Il faut souligner que cette « assemblée » n’est pas comptée
parmi les conciles oecuméniques officiels qui s’appliquent à toutes les
Eglises d’Orient et d’Occident mais pas aux Protestants (7 pour l’Eglise
indivise avant le schisme de 1054 entre Rome et les Eglises d’Orient.
L’Eglise catholique latine reconnaît 21
Conciles Oecuméniques, les Eglises unies à Rome adhérant à ceux-ci et
participant aux décisions de l’Eglise de Rome).

Cette décision d’ouvrir la « porte de la foi »
(Actes 14, 27) aux non-Juifs, donc aux Nations païennes (Actes 14, 27) a
été prise par l’Eglise primitive lors de ce premier synode de Jérusalem
entre 49 et 52.
Cette Communauté  était viscéralement attachée
à la révélation juive. Jacques le Juste, premier évêque de Jérusalem
écrit au nom « des apôtres, des anciens, des frères aux frères de la gentilité » 
: « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer
d’autres charges que celles-ci qui sont indispensables : vous abstenir
des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des
unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu. » (Actes
des Apôtres 15, 23-29).

On notera l’absence de deux commandements : a)
ne pas arracher un membre à un animal vivant et b) l’obligation, pour
chaque ville, d’avoir un tribunal. Certains ont indiqué que Jésus de
Nazareth est l' »agneau immolé » et qu’il « (re)vient pour « juger les
vivants et les morts » (Credo).

On oublie trop souvent la raison de cette
décision. Au bout de deux millénaires, certains pensent – dans la
plupart des Eglises – que tout serait accompli et que l’Eglise intègre
ou rassemblera toutes les nations.

Il faut tenir compte des paroles de Jacques,
premier évêque de Jérusalem, qui a justifié ce premier Edit ouvrant la
foi aux non-Juifs [et non le contraire ce qui n'aurait eu aucun sens !] :
« Depuis les temps anciens, Moïse a, dans chaque ville, ses
prédicateurs qui le (par la Tora ou ‘Humach/תורה-חומש), qui le lisent
dans les synagogues tous les jours de Chabbat » (Actes 15, 21).

Dès ses débuts, l’Eglise a été consciente de sa responsabilité à assumer son ordre historique et incarné.
Elle considère que ce Concile de Jérusalem –
originel mais non comptabilisé – a réglé les questions relatives aux
chrétiens d’origine juive.

Serait-ce « bonnet blanc ou blanc bonnet » ?
Nous y reviendrons : il s’agit d’un lapsus persistant dans la mesure où
l’Eglise sait qu’elle est née au sein du judaïsme.

Le christianisme byzantin a gardé un lien fort
avec les Commandements, en particulier en ce qui concerne les règles
alimentaires (pureté de l’huile, de l’eau, des laitages et une tendance
instinctive au végétarisme sinon végétalisme).

Cette attitude semble pérenne : l’Ecole
freudienne de Vienne a été confrontée à cette même question de savoir
comment il est ou non possible d’inclure des non-Juifs dans le premier
groupe de psychanalystes.

Cela peut s’expliquer par la règle talmudique :
« l’être est caché par ce qui le révèle ». C’est, semble-t-il, ce qui
s’est rapidement produit dans les rapports entre Juifs et Chrétiens.

Comme le déclarait le Rav Léon
Askénazi/Manitou en 1968 : « C’est cela même qui révélait Israël qui a
caché Israël à la conscience chrétienne. »  En 2009, Mgr. Rafik Khoury
soulignait combien la désunion des Eglises, la suspicion envers l’autre
et souvent les siens nuisent bien plus que les « opposants juifs ou
islamiques ».

On peut tourner et retourner la question de
savoir s’il existe vraiment un lien entre les Noachides, Jésus de
Nazareth, Saint Paul, l’Eglise naissante à Sion et son déploiement. La
foi n’exclut personne et ne peut consister à nier ce qui EST.

Les Chrétiens observent-t-il les premiers
Commandements noachiques ou devraient-il les accepter ? Le judaïsme
contemporain pose la question au regard de l’histoire.

L’histoire d’Israël ne fait que commencer à cet égard, bien au-delà de ce que nous en percevons.
Nous avons changé d’heure. Avez-vous bien
dormi ? La première bénédiction matinale est celle qui bénit l’Eternel
d’avoir donné au coq [שכוי\sekhvi = coq et conscience] la faculté de
discerner entre le jour et la nuit.

Sans doute le même coq auquel Jésus fait
allusion quand il dit à Simon Pierre/Caiphas : « Avant que le coq
chante, tu me renieras trois fois » (Matthieu 26, 34).

En ce temps-là, il y eut donc deux Caiphe : le
grand-prêtre qui condamna Jésus de Nazareth et le premier des disciples
– plus connu sous son nom latin de Pierre – qui nia le connaître
(Matthieu 26, 70).

Le coq continue d’appeler au jour et au miracle de la vie. Cocorico est (aussi) hébreu et universel.